La pratique du copier-coller est généralement considérée comme moralement condamnable. Pourtant l’emprunt est un acte fondamental du langage, certes pas toujours bien maitrisé, notamment par les apprentis que sont les élèves et les étudiants. En effet, sous une apparente facilité, copier-coller repose sur de complexes opérations de lecture et d’écriture, qui ne peuvent se construire sans aide didactique ni sans positiver cette pratique.
Le numéro est disponible aux Presses universitaires du Septentrion.
Sommaire
Peut-on dire sans emprunter ? Réflexions sur l’emprunt comme
constitutif de l’énonciation
Claire Doquet
Qui dit quoi ? Une approche de la polyphonie au collège
Marie-Michèle Cauterman
Couper, copier, coller, déplacer, emprunter… L’extrait dans
les manuels scolaires
Nathalie Denizot
Pour aller plus loin que le copier-coller, enseignons à nos étudiants
à créacoller !
Martine Peters
Enquête sur les pratiques d’écriture numérique : quelques constats
sur les habitudes d’emprunts des adolescents
Eve Gladu, Nathalie Lacelle
Citer pour s’approprier
Aymeric Servet
Définir le plagiat à l’université : à la recherche de critères
suffisants et opératoires
Catherine Dolignier
Réaliser un kamishibaï en 6e : un copier-coller pas si simple
Stéphanie Michieletto-Vanlancker
Comment parler d’une lecture cursive que l’on n’a pas faite ?
Entre plagiat et braconnage
Maïté Eugène
Utiliser des critiques littéraires pour s’approprier des œuvres
Sophie Dziombowski
Les littératures comme gisements en écriture créative
AMarie Petitjean
Le copier-coller dans le monde de l’écrit universitaire
aux États-Unis : perspectives
Tiane Donahue
Éditorial
Cette livraison de Recherches propose de prendre à rebours des termes
parfois sources de déplorations en contexte scolaire car associés à des
pratiques à bannir, voire frauduleuses. Si le « copier-coller » évoque
aujourd’hui une manipulation informatique qui faciliterait le plagiat, la
pratique de la copie est néanmoins l’une des plus anciennes à l’école.
Comme le rappelle Chervel, l’actuelle « copie » évaluée (réalisée sur
« copie double » ou feuille simple ou encore en version numérique, elle n’en
reste pas moins copie à corriger…) tire ainsi son nom de la copie d’un texte,
au préalable élaboré dans le cahier puis reproduit sur une feuille, à
destination du professeur. La polysémie de « copie » rend compte de son
statut variable et contradictoire : il faut copier le cours, mais il est interdit de
(re)copier pour tricher ou de copier « sur » (sa ou son voisinꞏe de table, par
exemple) ; on imite pour apprendre (à parler, à lire, à écrire) et ensuite il
faudrait apprendre à se dégager du modèle.
Pourtant, pour reprendre Bakhtine, tout énoncé est la reprise, la
variation d’un autre énoncé, l’emprunt apparaissant comme un acte
fondamental du langage. Si la démarche d’emprunt est inhérente au langage, à son apprentissage comme à son usage, elle prend des formes mais aussi des
valeurs spécifiques à l’école, par ses outils, mais aussi par ses prescriptions
et les paradoxes que cela fait surgir. Rappelons qu’elle n’est pas le seul fait
des élèves ou des étudiantꞏeꞏs : les manuels scolaires en sont un exemple.
Certains extraits sont ainsi devenus canoniques, par un effet de reprise : des
versions latines aux textes poétiques à apprendre par coeur, aux cours des
« belles lettres » nécessitant des fragments à imiter puis à commenter. Ainsi,
anthologies et manuels empruntent, prélèvent et citent, et sont, à leur tour,
sélectionnés, par exemple pour des listes de bac, dans lesquelles certains
extraits ont atteint le statut de classiques.[…]